Notre pause à La Paz aura finalement duré plus longtemps que prévu, avec un passage de 1200m à 6088m en quelques jours…
Encouragés par d’autres cyclistes rencontrés à la Casa de Cyclistas, on décide d’aller faire un tour en vélo du coté de la route de la mort, petite route étroite taillée dans des pentes raides, connue pour son nombre de morts annuels extrêmement élevé… Cette route est l’ancienne route qui permettait de remonter des fonds de vallée sur l’altiplano, passant de la jungle chaude et humide aux hauteurs glacées en une soixantaine de kilomètres et 3400m de dénivelé.
On démarre d’un col au-dessus de La Paz, à 4600m d’altitude; on a choisi pour une fois la facilité et on se fait déposer au col en taxi, les deux vélos et Jerem dans le coffre, Mad bien installée à l’avant. Les policiers qui contrôlent tout ce qui sort de la ville s’assurent de la présence d’un extincteur, d’une pharmacie et autres choses obligatoires dans le taxi, mais ne s’offusquent pas du fait que Jerem soit accroupi dans le coffre à coté des vélos…
Le taxi nous dépose au col, et on attaque la descente par 30km de route goudronnée, le début de la route qui aujourd’hui remplace la route de la mort pour les voitures, bus et camions, avant de bifurquer sur la piste taillée à flanc de montagne. Devenue attraction touristique, elle n’est aujourd’hui quasiment parcourue que par les groupes de cyclistes. La montagne étant vraiment abrupte, on roule parfois au bord d’un précipice de plusieurs centaines de mètres. Si c’est relativement tranquille en vélo, on comprend aisément son nom en imaginant des véhicules se croisant ici… D’ailleurs, on y roule à gauche, afin que les chauffeurs soient au plus près du vide, pour viser juste… Les nombreuses croix plantées dans les talus nous rappellent que ce ne fut pas toujours le cas.
Le regard alterne sur le vide, la route et la trace que celle ci dessine dans la pente. On retrouve des arbres, une végétation verdoyante, de plus en plus dense, des fougères arborescentes, des arbres inconnus, des lianes, des orchidées aux couleurs éclatantes, des arbustes couverts de fleurs violet vif, des chants d’oiseaux, des odeurs, l’air humide et chaud qui pour la première fois depuis des mois nous oblige à enlever nos polaires… On aurait presque envie de passer un peu plus de temps dans la jungle, profiter de la chaleur et de tout ce qu’il y a à y voir: les jardins dans les villages en bas sont pleins de mandarines, citrons, bananes, mangues et autres merveilles…
On remonte sur l’altiplano en faisant du stop sur la nouvelle route, elle aussi taillée dans des pentes terribles, mais goudronnée et sécurisée par de grosses barrières… Précautions plus que nécessaires quand on voit de près la conduite des boliviens! On se fait déposer au col, afin de savourer encore les 1000m de descente qui nous séparent de la ville. La pose au col est aussi l’occasion pour nos chauffeurs de vider les poubelles qui sont dans leur voiture… Ils nous expliquent, c’est parce qu’en bas dans la vallée il n’y a pas de ramassage des ordures! Que dire? On comprend alors mieux pourquoi c’est si sale au bord des routes…
On savoure les derniers kilomètres de descente dans le crépuscule naissant, distinguant petit à petit les lumières de La Paz. On peut maintenant le dire, on est des « Death road survivors » !!!
Nouvelle rencontre à la Casa de Cyclistas, nouvelle aventure… On se laisse convaincre de tenter notre premier 6000, avec des infos et même un endroit pour louer du matos pas trop vieux…Pourquoi ne pas laisser encore un peu de repos à nos vélos ? C’est décidé, on s’équipe pour faire le Huayna Potosi, un sommet à 6088m.
Le sentier qui permet de monter au refuge commence a 4700m, avec une vue superbe sur les sommets qui sortent de la mer de nuages qui recouvre la jungle. Le mal de tête arrive pour Mad vers 5000m, mauvais signe pour le lendemain…
Les refuges sont perchés sur une morraine qui remonte au milieu du glacier, à 5200m. Première nuit au dessus de 5000m, on dort peu, avec l’impression désagréable d’étouffer, et quand enfin le reveil sonne à 1h, on n’a que très peu dormi… Petit déjeuner rapide, on s’équipe et on se met en route. On suit la file de lampes qui s’étend déjà un peu devant nous; les guides locaux connaissent le sommet par coeur, il n’y a qu’à suivre la trace, on est sûrs de ne pas se perdre. Le sommet est facile d’accès, une longue marche sur le glacier et un bout d’arrête en haut, ce qui en fait un 6000m accessible et très parcouru.
On avance doucement, le mal de tête de Mad se transforme en mal des montagnes vers 5500m; la suite de la montée est longue et elle s’en souviendra peu… Comme quoi, c’est complétement imprévisible: on peut passer deux mois au-dessus de 4000m, pédaler pendant sept mois et être malade à 5000m! Heureusement, les conditions sont excellentes, pas tellement froides pour ces altitudes, pas de vent.
On devine les sommets, masses noires qui sortent de la mer de nuages à l’est. Au sud les lumières de la ville font comme une grande coulée de lave dans les montagnes. La Lune se lève à l’horizon, posée comme un sourire au-dessus de la mer de nuages, d’abord rouge intense, puis or, puis blanche au dessus de nous, suivie assez vite par le soleil; tout se teinte de rouge, le sommet étant assez isolé et beaucoup plus haut que ses voisins, la vue est dégagée, immense, et incroyable. Et surtout, le soleil nous promet enfin un peu de chaleur. On arrive au sommet juste quand le soleil se fait un peu plus convaincant et nous permet d’admirer la vue: La Paz en dessous, avec El Alto qui s’étend sur l’altiplano, de grandes plaines vallonnées à l’ouest sur lesquelles se projette l’ombre immense du sommet, au nord le lac Titicaca, notre prochaine destination, et la chaine de montagnes qui sépare l’altiplano de la mer de nuages qui recouvre la jungle à l’ouest, comme une échine éclatante qui sépare deux monde, dont quelques sommets dépassent les 6000m. La vue est juste incroyable.
La descente nous semble interminable, le mal des montagnes disparaît comme il est venu; on récupère nos affaires au refuge, on reprend des forces à grands coups de chocolat avant de rejoindre la route. Un bus d’une agence nous ramène vers La Paz et la bière pour fêter notre premier 6000! 🙂
Yess …
Bravo pour ce 1er 6000.
Ca fait rêver d’ici.
(Surtout que je suis coincé chez moi suite à opération)
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